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TECHNOLOGIE DU FUTURE
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8 septembre 2013

Une mémoire électromécanique pour ordinateur quantique

Les ordinateurs quantiques de demain seront-ils un peu mécaniques ? Une équipe de chercheurs coréens et finlandais vient de montrer que l'on peut transférer des qubits depuis un circuit supraconducteur vers un résonateur micromécanique. L'intérêt ? Stockés sous forme de vibrations quantiques, ces qubits sont moins vulnérables à la décohérence.

L'un des thèmes de recherches les plus importants à l'heure actuelle est celui de l'information quantique. On y parle bien sûr de téléportation et de cryptographie quantique et on y rêve d'ordinateurs quantiques. Les versions classiques, issues des travaux d'Alan Turing et de John Von Neumann, ont déjà révolutionné notre monde et notre vie. Sans eux, il n'y aurait pas d'Internet ni d'exploration des planètes. Les héritiers du détecteur de Georges Charpak ne nous auraient pas permis de découvrir les bosons W et (peut-être) le boson de Higgs. Bientôt, ces ordinateurs nous permettront de percer certains des secrets du cerveau dans le cadre de l'Human Brain Project.

Il existe toutefois certains problèmes que l'on pourrait tenter de résoudre à l'aide des ordinateurs classiques mais réclameraient des durées de calculs bien trop longues. C'est pourquoi, au début des années 1980, des chercheurs du calibre de Richard Feynman et David Deutsch ont proposé un nouveau type de calculateur : les ordinateurs quantiques.

Des qubits menacés par la décohérence

Au lieu d'utiliser des bits d'informations avec des éléments de mémoire correspondant à des chiffres, 0 et 1 dans le binaire de nos compagnons électroniques, les ordinateurs quantiques calculent avec des qubits. Aussi étrange que cela puisse paraître, le principe de superposition des états, principe fondamental de la théorie quantique, autorise en quelque sorte les qubits à avoir les deux valeurs simultanément.

Ainsi, si l'on associe un 0 ou un 1 à l'état du spin d'un électron, soit dirigé vers le haut, sois dirigé vers le bas, on dispose d'un qubit correspondant à la superposition de deux états de spin de cet électron. Cette particularité des qubits rend possible des sortes de calculs en parallèle de grande ampleur... pourvu que la superposition des états d'un grand nombre de qubits dure suffisamment longtemps pour permettre d'effectuer les calculs jusqu'au bout.

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Une représentation d'artiste de la superposition quantique des états de spin de plusieurs électrons (boules rouges ou vertes). Ces états de spin correspondent aux flèches orientées parallèlement, mais en sens opposés sur le schéma. © Aalto University

C'est là qu'apparaît malheureusement le problème de la décohérence. Ces états de superposition étranges font que si on les rencontrait à notre échelle, un chat serait parfois observé à la fois mort et vivant (c'est le fameux paradoxe du chat de Schrödinger). Ils sont très fragiles, car ils subissent l'effet du mécanisme de la décohérence, comme l'ont montré les travaux de Serge Haroche et ses collègues. Plus on fait intervenir de qubits dans un système de calcul pour le rendre puissant, plus il est difficile de les isoler des perturbations ambiantes qui vont détruire cette superposition. En effet, augmenter le nombre de qubits, c'est s'approcher de la taille d'un objet gouverné par les lois de la physique classique.

Si l'on veut avoir une vague idée intuitive du phénomène de décohérence et de son rôle limitant pour la construction d'un ordinateur quantique, on peut prendre comme analogie celle d'un château de cartes. Les qubits sont alors les analogues des éléments de ce château. Plus le château prend de la hauteur, plus il est instable et un petit courant d'air ou une petite vibration de la table suffit pour que tout le château s'écroule. En général, plus le château est grand, plus il a de risques de s'effondrer rapidement, à moins de le placer dans une chambre sous vide ou sur une table l'isolant des vibrations du sol par exemple.

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Isidor Isaac Rabi (1898-1988) était un physicien américain, lauréat du prix Nobel de physique en 1944 « pour sa méthode de résonance servant à enregistrer les propriétés magnétiques du noyau atomique ». Ses recherches ont contribué à l'invention du laser et de l'horloge atomique. Il fut l'un des fondateurs du Cern. © Nobel Foundation

Des oscillateurs quantiques hybrides

C'est dans ce cadre de recherche que s'inscrit un article récent publié dans le journal Nature mais en accès libre sur arxiv. Des chercheurs finlandais et coréens ont cherché à coupler quantiquement un circuit constituant une sorte d'atome artificiel avec un microrésonateur mécanique. La réalisation de cet atome repose sur l'exploitation du phénomène de la supraconductivité avec un circuit supraconducteur contenant deux jonctions Josephson. Le circuit lui-même est plongé dans une cavité électromagnétique du même genre que celles que l'on utilise dans le domaine de l'électrodynamique quantique en cavité.

Le circuit supraconducteur, si l'on s'y prend bien, se comporte comme un atome avec différents états d'énergie pouvant donner lieu à des phénomènes d'oscillation (les fameuses oscillations de Rabi). De la même façon que l'on peut faire une superposition d'états de spin d'un électron dans un vrai atome (sous l'effet de champs électromagnétiques), on peut produire des superpositions d'états, des qubits donc, dans ce circuit supraconducteur. Les chercheurs ont pu montrer qu'il était possible de transférer ces qubits sur des états de vibrations mécaniques du microrésonateur et inversement. Tout se passe alors pour lui comme si on avait un tambour vibrant et ne vibrant pas simultanément.

Remarquablement, les qubits présents sous forme de mouvements mécaniques sont plus résistants à la décohérence et permettraient même d'obtenir une bonne mémoire quantique. Ce genre de système physique couplant résonateurs mécaniques et électromagnétiques est donc une bonne voie à explorer pour la réalisation des mythiques ordinateurs quantiques.

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Le prix Nobel de physique Richard Feynman s'est intéressé à la réalisation d'ordinateurs quantiques au début des années 1980. Il est considéré comme un des pionniers de ce domaine. © Tom Harvey

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